dimanche 13 février 2011

Roger Gilbert-Lecomte (1907-1943)


MONSIEUR CRABE, CET HOMME CADENAS


Merci j'éternue du sol le plus creux d'où les os les pleurs les oiseaux de la peur montent et sautent à la corde des puits de feu de la nuit de la fin des mondes et des dieux il semble que parfois et toujours si l'on vient préviens-moi je serai sur mes gardes et la peur qui s'enfuit par les fentes des nuits les failles de la mémoire les courbures du ciel et les hanches des marbres aplatira tout court il demeure évident pour quelques-uns dont l'âne que l'heure est grave et la moisson sempiternelle des comètes et des coccinelles ne laisse rien prévoir du prochain déluge qui attend debout derrière la porte de l'occident des grandes eaux l'espace diminue à vue d'œil et prend la forme d'une oreille à laquelle on ne peut plus s'habituer malgré la sincérité désespérée des efforts dérisoires tant il est dur de se faire à l'oreille lorsqu'on a vécu d'espérance depuis la plus tendre enfance à fond de cale et faction dont les phénomènes particulièrement pointus furent rendus roulants par l'éminent Bœuf s'il peut s'agir de lui dans ce cas éclairant occupez-vous plutôt des scies du ciel et des offrandes je dis j'offre et je prends de ma main rapace et pourrissante ce que je donne en retenant entre les dents des éboulis de cris à m'en boucher la bouche flambons ensemble enfant trop belle flambons en flamme à l'unisson brisante amante dans la sécheresse éperdue des cendres chaudes et des manchots rôtis dont les jambes sont déjà loin disparaissent derrière la courtine de l'horizon qui court en rond l'anneau du ciel qui tourne parce que c'est là son rôle le plus vain mais le plus vénéneux il ne reste plus rien dans cette coupe creuse que l'écho mort et renaissant tous les mille ans de l'antique appel dont le son déchirant a pénétré la première nuit de l'intérieur de l'homme de cette grande horreur que l'on a dit panique alors qu'elle est sans nom tais-toi au premier tournoiement des frondes la voie lactée se décroche et se noue en écharpe autour de la statue en forme de poire élevée à la mémoire des morts de rire étouffant fin tragique

(La Vie, l'Amour, la Mort, Le Vide et le Vent, 1933)

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